L'ange Carnivore.
Le corps qui tenait une place prépondérante dans la peinture depuis la renaissance a été remis en cause par les courants artistiques du 20ième siècle. Marginalisé par le modernisme, l’abstraction et le minimalisme, il finit par être jeté aux oubliettes dans un paysage plastique en pleine effervescence.
L’œuvre de Florence Arnold pourrait se situer dans cette période transitoire où le corps, malgré ses sursauts de résistance, était en voie de déperdition, rogné par une esthétique nouvelle, par la folle liberté de cette ère singulière qui poussa les artistes à sortir du cadre étroit de la toile et à casser les limites matérielles de la peinture.
Résistance, voilà ce qu’évoque pour moi les tableaux de Florence Arnold. Un dessin quasi-académique sur un fond de matière vorace. Figure et abstraction y cohabitent mais elles pourraient vivre l’une sans l’autre. Corps nus vêtus d’un rien de couleur, corps mutants où le visage est à peine visible, corps fragiles, recroquevillés ou dansants, corps libres et vindicatifs, corps fous occupant l’espace, revendiquant leur existence. Corps fragmentés, englués dans la tourmente de leur propre substance, et qui continuent de rêver. Ils sont seuls même dans la foule, ils s’effleurent, flottent et voguent ensemble à la recherche d’un hypothétique paradis perdu. Il est blanc, ce paradis, d’une blancheur immaculée et contagieuse qui veut tout engloutir, phagocyter la peur, l’angoisse et la pudeur. Paradis ou enfer ? Quelle importance ! On y va quand même, entraînés par la magie d’un trait pur, d’une forme généreuse, de l’esquisse d’un sentiment, d’une caresse, d’un souffle. On a envie de les toucher, ces corps, de les consoler, de les aimer avant qu’ils ne redeviennent poussière.
Florence Arnold ne décrit rien, elle suggère du bout de son pinceau des silhouettes tantôt délicates, tantôt puissantes où priment intuition et émotion. Allons rêver ensemble, ça en vaut le détour !
Mahi Binebine